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hacking_with_tales_six_a_qui_rien_ne_resiste
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hacking_with_tales_six_a_qui_rien_ne_resiste [2015/05/25 19:48] (current) – created caro
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 +====== Six à qui rien ne résiste ======
  
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 +Il était une fois, un homme qui savait faire toutes sortes de choses. Il avait fait la guerre et avait servi avec vaillance et courage, mais une fois la guerre finie, il fut congédié avec en tout et pour tout trois hellers pour la route. « Attend un peu, se dit-il, on ne m'aura pas comme ça. Si je trouve les gens qu'il me faut, le roi sera bien obligé de me donner toutes les richesses du pays. » En colère, il s'en fut dans la forêt et trouva un homme qui avait déraciné six arbres comme si c'était des brins de blé. Il lui dit : 
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 +_ Veux-tu entrer à mon service et venir avec moi ? 
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 +_ Oui, répondit l'autre, mais il faut d'abord que j'aille porter ce petit fagot de bois à ma mère. 
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 +En prenant l'un des six arbres, il l'enroula autour des cinq autres, jeta le fagot sur son épaule et l'emporta. Puis il revint et suivit son maître qui lui dit : « Nous deux rien ne pourra nous résister. » Quand ils eurent marché un petit moment, ils virent un chasseur qui était à genou, le fusil en joue, en train de viser quelque chose. Le maître lui dit : 
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 +_ Chasseur, que vises-tu donc ? 
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 +_ À deux lieue d'ici, il y a une mouche posée sur la branche d'un chêne ; je veux toucher son œil gauche, lui répondit le chasseur. 
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 +_ Oh, viens avec moi, dit l'homme. Si nous sommes tous les trois ensemble, rien ne pourra nous résister. 
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 +Le chasseur était d'accord et vient avec lui et ils arrivèrent près de sept moulins à vent dont les ailes tournaient très vite alors qu'il ne venait pas le moindre brin de vent, ni de droite ni de gauche, et que pas une feuille ne bougeait.  « J'ignore ce qui peut bien faire tourner ces moulins, il n'y a pas le moindre souffle de vent », dit l'homme et il poursuivit son chemin avec ses serviteurs. Quand ils furent deux lieues plus loin, ils virent un homme grimpé dans un arbre ; qui se bouchait une narine et qui soufflait par l'autre. 
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 +_ Mon Dieu, que fais-tu là-haut ? lui demanda l'homme
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 +_ À deux lieues d'ici, il y a sept moulins à vent, lui répondit l'homme, vous voyez je souffle pour les faire tourner. 
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 +_ Oh, viens avec moi, dit l'homme. Si nous sommes tous les quatre ensemble, rien ne pourra nous résister. 
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 +Le Souffleur descendit alors de l'arbre et les suivit, et quelque temps après, ils virent un homme qui se tenait debout sur une jambe. Il avait détaché son autre jambe et l'avait posée près de lui. 
 +Le maître dit : 
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 +_ Te voilà installé bien confortablement pour te reposer. 
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 +_ je sais courir très vite, répondit l'autre, et j'ai détaché une de mes jambes pour ne pas aller trop vite. Quand je courre avec mes deux jambes, je vais plus vite qu'un oiseau qui vole. 
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 +_ Oh, viens avec moi. Si nous sommes tous les cinq ensemble, rien ne pourra nous résister.
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 +Il vint alors avec eux, et il ne se passa pas longtemps avant qu'ils ne rencontrent un homme portant un petit chapeau mais qui le portait complètement de travers, sur une oreille. 
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 +Le maître lui dit alors : 
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 +_ Quelle élégance ! Ne met donc pas le chapeau sur une seule oreille, tu as l'air d'un idiot. 
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 +_Je ne peux pas, répondit l'autre, car si je mets mon chapeau droit, il va se mettre à geler si fort que tous les oiseaux vont geler sur place et tomber morts par terre. 
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 +_ Oh, viens avec moi, lui dit le maître, si nous sommes tous les six ensemble, rien ne pourra nous résister. 
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 +Les six compagnons se rendirent donc dans une ville où le roi avait proclamé que celui qui ferait la course avec sa fille et qui serait vainqueur épouserait celle-ci. Mais celui qui perdrait, il devrait le payer de sa tête. L'homme se porta candidat et dit cependant : 
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 +_ C'est mon serviteur qui courra à ma place. 
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 +_ Alors tu dois mettre aussi sa vie en jeu, de sorte que vos deux têtes soient le gage de la victoire. 
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 +Lorsque cela fut convenu et décidé, l'homme raccrocha au Coureur sa deuxième jambe en lui disant : « Maintenant, sois rapide et aide-nous à gagner ! » Or il avait été décidé que le vainqueur serait celui qui rapporterait le premier de l'eau d'un puits situé à une grande distance de là. On donna donc une cruche au Coureur et une autre à la fille du roi. Ils commencèrent à courir en même temps. Mais en un clin d’œil, alors que la fille du roi ne s'était éloignée que d'une petite distance, aucun spectateur ne pouvait déjà plus voir le Coureur et c'était comme si il y avait eu un coup de vent. Le Coureur arriva rapidement à la fontaine, remplit sa cruche d'eau et fit demi-tour. Mais au milieu du trajet de retour la fatigue s'empara de lui. Il posa alors sa cruche, s'allongea et s'endormit. Il avait pris un crâne de cheval qu'il avait trouvé par terre en guise d'oreiller, pour être couché sur quelque chose de dur et se réveiller rapidement. Entre-temps la fille du roi qui était bonne coureuse elle aussi, et qui savait courir aussi vite qu'une personne normale peut le faire, était arrivée à la fontaine et se dépêchait d'arriver avec sa cruche pleine d'eau. Et en voyant le Coureur allongé là et endormi, elle se réjouit et se dit : « L'ennemi s'est jeté dans la gueule du loup. » Elle vida la cruche du coureur et reprit sa course. À ce moment-là tout aurait été perdu si par un heureux hasard, le chasseur ne s'était pas trouvé en haut du château et n'avait pas tout vu de ses yeux perçants. Il dit alors : « Il ne faut pas que la fille du roi l'emporte sur nous. » Il chargea son fusil et tira si habilement qu'il atteignit le crâne du cheval sous la tête du Coureur sans faire le moindre mal à celui-ci. Le Coureur se réveilla alors et bondit sur ces jambes. Il vit que la fille du roi avait pris beaucoup d'avance et que sa cruche était vide. Mais il ne perdit pas courage, courut de nouveau à la fontaine avec sa cruche, puisa de l'eau une nouvelle fois et fut encore en retour dix minutes avant la fille du roi. 
 +« Vous voyez, dit-il, il a vraiment fallu que je lève les jambes. Jusque-là on ne pouvait pas dire que c'était de la course. » 
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 +Mais le roi était vexé et sa fille encore plus qu'un simple soldat à la retraite comme celui-là dû gagner sa main. Ils se concertèrent pour savoir comment se débarrasser de lui et de ses compagnons.  Le roi dit alors à sa fille : « Ne t'inquiète pas, j'ai trouvé un moyen, ils ne rentreront pas chez eux. » Et il dit à ceux-ci : « À présent, allez vous amuser, manger et boire ensemble. » Il les conduisit à une pièce où le sol était en fer et où les fenêtres étaient protégées par des barres de fer. Dans la pièce se trouvait une table couverte de mets délicieux, et le roi leur dit alors : « Entrez et faites-vous plaisir » Puis, il fit venir le cuisinier et lui ordonna d'allumer un feu sous cette pièce jusqu'à ce que le sol en devienne brûlant. C'est ce que fit le cuisinier.
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 +Le feu démarra et les six compagnons, tandis qu'ils étaient attablés, se mirent à avoir très chaud et se dirent que cela devait venir du repas. Mais quand la chaleur se fit de plus en plus forte et qu'ils voulurent sortirent et trouvèrent les portes et fenêtres fermées, ils comprirent la mauvaise intention du roi qui voulait les laisser étouffer. « Mais il n'y parviendra pas, dit le compagnon au chapeau, je vais provoquer un gel devant lequel le feu aura honte et devra battre en retraite. » Il posa alors son chapeau droit sur sa tête et aussitôt il se mit à geler si fort que toute la chaleur s'évanouit et que dans les plats les mets se mirent à geler. 
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 +Lorsque plusieurs heures se furent écoulées et que le roi crut qu'ils étaient morts accablés par la chaleur, il fit ouvrir la porte et voulut aller les voir lui-même. Mais quand la pote s'ouvrit il les troua là tous les six, frais et bien portant, qui lui dirent qu'ils aimeraient bien sortir pour se réchauffer, car le froid qui régnait dans la pièce était tel que les mets gelaient dans les plats. En colère, le roi descendit voir le cuisinier, le réprimanda et lui demanda pourquoi il n'avait pas fait ce qu'il lui avait ordonné. Mais celui-ci lui répondit : « Le feu brûle assez fort, voyez-vous même. » Le roi vit alors qu'un grand feu brûlait sous la pièce en fer et comprit qu'il ne pouvait rien faire de cette façon contre les six compagnons. 
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 +Il se remit alors à réfléchir pour trouver un moyen de se débarrasser de ces invités indésirables. Il fit venir leur maître et lui dit : 
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 +_ Si tu veux prendre de l'or et renoncer au droit que tu as sur ma fille, tu en auras autant que tu veux. 
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 +_ Oh oui, Sire, répondit celui-ci. Donnez-m'en autant que mon serviteur pourra en porter, et je renoncerai alors à votre fille. 
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 +Le roi en fut satisfait et l'autre lui répondit : « Alors je reviendrai chercher l'or dans deux semaines. » Le maître appela alors tous les tailleurs du royaume, qui durent rester assis et coudre un sac pendant deux semaines. Et quand celui-ci fut prêt, le Costaud, celui qui était capable de déraciner des arbres, le prit sur son épaule et se rendit chez le roi. Celui-ci demanda alors : 
 +« Qu'est-ce que ce grand gaillard qui porte sur son épaule ce ballot de lin de la taille d'une maison ? » Il prit peur et se dit : « Qu'est-ce qu'il va pouvoir emporter comme or ! » Il donna donc l'ordre d'apporter une tonne d'or. Il fallut seize hommes parmi les plus forts pour la porter, quant au Costaud, il la saisit d'une main, la fourra dans son sac et dit : « Pourquoi n'en apportez-vous pas plus  tout de suite ? C'est à peine si cela recouvre le fond du sac. » 
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 +Le roi fit alors apporter peu à peu tout son trésor. Le Costaud le fourra dans son sac, qui n'en fut même pas rempli jusqu'à la moitié. « Apportez-en plus, leur cria-t-il, ces quelques miettes, en le remplissent pas. » Il fallut alors faire venir sept mille charrette de tout le royaume. Le Costaud les fourra dans son sac avec les bœufs qui y étaient attelés. « Je n'ai pas envie d'y regarder de plus près et je vais prendre ce qui vient, pourvu que le sac soit plein. » Une fois que tout fut dedans, il y avait encore de la place pour beaucoup de chose, mais il dit : « Je vais m'arrêter là, maintenant : on peut bien fermer un sac même s'il n'est pas plein. » Il le hissa sur son dos et s'en fut avec ses compagnons. 
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 +Voyant cet homme qui s'en allait avec les richesses de tout le royaume, le roi fut très en colère et fit monter en selle toute sa cavalerie pour qu'elle se lance à la poursuite des six compagnons avec l'ordre de reprendre le sac au Costaud. Deux régiments les rattrapèrent bientôt et leur crièrent : 
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 +_ Vous êtes prisonniers. Posez le sac d'or par terre ou vous serez réduits à néant. 
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 +_ Qu'est-ce que vous dites ? demanda le Souffleur. Nous des prisonniers ?  C'est plutôt vous qui allez danser en l'air tous autant que vous êtes. 
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 +Il se boucha une narine et souffla par l'autre dans la direction des deux régiments dont les rangs furent détruits par le souffle et dont les soldats volèrent, l'un par-ci, l'autre par-là, dans le ciel bleu par-delà toutes les montagnes. Un adjudant leur demanda grâce : il avait été blessé neuf fois et était un brave homme qui ne méritait pas cette offense. Le Souffleur souffla un peu moins fort pour qu'il puisse redescendre sur terre sans blessure, puis il lui parla ainsi : « Retourne chez le roi et dis-lui d'envoyer encore plus de cavalier : je veux tous les propulser en l'air ! » Quand il entendit cela, le roi dit : « Laissez-les aller, ils sont un peu spéciaux. » Les six compagnons apportèrent alors toutes ces richesses chez eux. Les partagèrent entre eux et vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours. 
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 +**//Contes pour les enfants et la maison, Tome 1//, collectés par les Frères GRIMM, édités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin, éd José Corti, 2009, p 406.** 
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