« L'arbre au trésor »
Conte d'afrique de l'ouest adpaté par le conteur Henri Gougaud (« le baobab et le lièvre ») librement ensuite adapté par moi.
Sur une planète, quelque part dans un coin de continent, il y a une forêt, à côté un village, entre les deux une prairie. Et dans cette prairie, il y a un un arbre.
Dans l'air immobile et brûlant du brasier de midi, l'arbre semble pensif. Pas un souffle ne vient troubler sa tranquillité. C'est un grand et beau cerisier au milieu de la prairie. Ses feuilles sont larges et d'un vert profond. Ses longues branches s'élèvent haut et s'étendent loin sur les côtés. Elles viennent même toucher le sol. Elles sont généreusement chargées de cerises, tellement nombreuses ces cerises qu'on dirait qu'elles poussent par grappes, comme du raisin. Elles sont charnues, d'un rouge presque noir, brillantes, luisantes comme autant de paires d'yeux à travers lesquels l'Arbre contemplerait le monde. Sous cette arbre, il y a un simple banc en bois.
La jeune fille passe par là, ce jour-là. Elle a très chaud. Elle voit ce banc accueillant, cette ombre. Elle est irrésistiblement attirée. Elle passe la barrière, marche dans la prairie jusqu'à l'arbre. Elle se glisse entre les branches de l'arbre, entre dans l'ombre qui vient apaiser la peau de ses bras, ses épaules, sa tête. Tout autour d'elle et sur elle il y a des taches de lumières. Sous ses pieds, le sol est si joliment, si gaiement tacheté de ronds de lumière. Elle s’assoit sur le banc. Elle savoure cette ombre fraîche et légère. La bouche un peu ouverte, elle lève les yeux au ciel et contemple, un peu béate, le ciel bleu à travers la dentelle du feuillage. La jeune fille se sent bien, soupire d'aise et comme un souffle d'air frais ce soupire s'envole entre les branches de l'arbre. Toutes les feuilles en frissonnent, et chuchotent leur plaisir. Et la douce musique de l'arbre, la brise simple qu'il chante est comme une pluie rafraîchissante qui tombe sur la tête de la jeune fille, dans ses oreilles, sur ses épaules. « Comme c'est agréable » pense-t-elle. L'Arbre entend cette pensée amicale et cette fois ce sont ses cerises qui semblent briller plus intensément, comme un regard s'illumine après un compliment. La jeune fille voit ces cerises tout autour d'elle, si nombreuses. Mais il lui semble qu'elles sont trop mûres, éclatées, déjà à moitié mangées par les vers et les oiseaux. Le cerisier est surpris d'entendre ainsi douter de ses saveurs après avoir reçu des compliments qui lui avait ouvert l'âme. Alors il fait descendre vers elle, ses branches chargées de cerises. Elle n'a pas besoin de se lever, elle n'a qu'à tendre le bras, la main, ouvrir ses doigts, les cerises sont justes à sa portée. Elle cueille délicatement une cerise par la queue. D'une bouchée, croque le fruit délicieux, juteux, sucré. Reste le noyau dans sa main. Elle en veut encore. Elle cueille des poignées de cerises, elle en a plein les mains. Elle se pourlèche les lèvres, les doigts. Elle s'exclame de tout son cœur, comme c'est bon, tes cerises sont délicieuses. Elle se ressert. Elle les dévore. L'arbre est heureux. Et quand elles les a fini, elle s'appuie contente, rassasiée sur le tronc de l'arbre. Elle le sent dur contre son dos, elle tient aussi dans sa main quelques noyaux. Une lueur dans les yeux, un sourire sur les lèvres, elle pense que le fruit autour du noyaux est délicieux, que l'ombre et la fraîche musique autour du tronc de l'arbre sont délicieux mais que le cœur de l'Arbre restera inaccessible, aussi dur que ces noyaux ou que l'écorce du tronc.
L'Arbre entend ces paroles, il tremble, tout son être est saisi d'un sentiment, d'une émotion qu'il n'a encore jamais éprouvée. Ouvrir son cœur à ce petit être. Lui montrer son cœur, ses secrets, ses trésors, lui dévoiler ses beautés les plus secrètes. Il en a terriblement envie. Alors tendrement, lentement il entrouvre son écorce. Sur les épaules, la poitrine, les genoux de la jeune femme, il déverse son trésor. Elle en est couverte. Dans la prairie, sur le banc, sous l'arbre ouvert, elle est telle une reine. De l'ambre, des pierres précieuses, des tissus tout en toiles de fleurs de cerisier. Des matières comme elle n'en a jamais vu. Ses lèvres frémissent, ses mains tremblent. La jeune fille ramasse le trésor autour d'elle. Elle le tient serré contre elle, l'arbre referme son écorce doucement. Il semble plus grand, plus fort. Elle s'en va joyeuse, heureuse, en riant, en disant Merci à l'arbre.
Arrivée chez elle, elle dépose sur la table son trésor. Son frère et sa sœur l'accueillent et découvrent le trésor. Ils prennent les pierres, se parent des tissus soyeux. La jeune femme s'amuse de les voir ainsi. Elle leur laisse tout, Mais ils veulent plus. Alors elle leur dit qui lui a donné tout cela. L'arbre, ce qu'elle a dit, ce qu'il a fait. Le frère et la sœur ne tardent pas, les yeux allumés, avides de mêmes bien ils se rendent auprès de l'arbre. Et comme ton ombre est légère l'arbre … et la musique de ton feuillage… comme elle est fraîche, comme elle est agréable… et ton fruit, mmm, il est si bon. Et ton cœur ? Est-il aussi bon qu'on le dit ? L'arbre avait aimé donner à la jeune femme, il donne encore sans crainte et ouvre grand son cœur. La sœur et le frère découvrent le cœur de l'arbre. Il se jettent dessus, la main dure du frère vient cogner les entrailles de l'arbre, la main dure de la sœur vient griffer fouiller les profondeurs de l'arbre. Ils arrachent le trésor, mais en veulent plus, ils se poussent, se hurlent dessus à qui prendra cette pierre, ce tissu, hurlent sur l'arbre, je veux tout, donne moi tout, il y en a encore. L'arbre blessé, déchiré, pris d'effroi, se ferme aussitôt. Le frère et la sœur n'ont plus entre leurs mains que de la sève collante et des cerises écrasées. Sans un mot de cette histoire à leur sœur, ils retournent chez eux, un peu rageurs, un peu frustrés. L'arbre n'ouvre depuis plus son cœur à personne, et en vérité le cœur des hommes est semblable à cet arbre, il s'ouvre petitement et se souvient peut-être de mains qui cognent et griffent.