Après demain la médecine ? Entretien

“Pour le professeur Didier Sicard, ancien chef de service en médecine interne à l’hôpital Cochin et ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), cette manière de voir les choses constitue un leurre pour au moins deux raisons. D’un côté, il n’existe guère aujourd’hui, contrairement à hier, de révolutions médicales d’ampleur, mais plutôt une tendance à la stagnation dans la découverte de nouveaux médicaments et d’avancées majeures dans le traitement des corps souffrants. De l’autre, l’économie et la technologie paraissent prendre le pas sur les considérations éthiques, politiques et sociales qui constituent pourtant le socle de la médecine « d’après-demain ».

Pour le professeur Sicard, la France est dans une situation paradoxale, puisqu’elle dispose de nombreux atouts pour être le laboratoire de la médecine de l’avenir, mais ses logiques et structures actuelles risquent fort de la laisser sur le bord de la route. Pour celui qui a présidé le comité d’experts des données de santé, le big data en matière médicale en est l’incarnation. La France est en effet, du fait de la centralisation de l’assurance maladie, le pays qui possède de loin le plus de données, mais aussi celui qui s’en sert le moins, en raison des réticences des médecins et des inquiétudes du politique : une réalité qui n’est pas sans lien avec le fait que la France est aussi l’un des pays qui ont accumulé le plus de scandales sanitaires sur la longueur, à l’instar du Mediator.

À partir du constat d’une relation médecin/malade transformée par la technologie au point d’en oublier, de plus en plus souvent, le savoir du corps, Didier Sicard réfléchit aux transformations liées à l’individualisation du soin, au vieillissement de la population, à la captation marchande d’une médecine dont on attend de plus en plus, et qu’on maîtrise de moins en moins.”

source: Mediapart, Les Mirages de la médecine moderne, entretien avec le professeur Sicard, dans le cadre d’une série de rencontres intitulée “Penser le monde d’après demain” à Avignon, été 2017