La santé selon la Silicon Valley

Evgeny Morozov dans Le Temps – “Quelques sociétés de la Silicon Valley peuvent nous imposer une façon de vivre”...

Exemple avec la santé :

– Du coup, craignez-vous que les autorités s’impliquent de moins en moins dans la résolution de problèmes, laissant des sociétés high-tech s’en charger?

– Oui, ce risque existe. Dans la santé, un domaine dans lequel Google s’implique de plus en plus, par exemple. Avec ses solutions individualisées, l’on peut craindre de glisser de plus en plus d’un système d’assurance générale avec un partage des risques pour toute la communauté à des solutions individuelles où chacun devra supporter totalement ses propres risques. Avec leur technologie d’apparence si séduisante, les sociétés de la Silicon Valley entrent dans des domaines tels que la prévention du crime, la détection de fraudes fiscales… Ces sociétés, avec des systèmes de contrôle en temps réel, pourraient aussi décider qui peut séjourner dans quel pays. Cela risque d’aboutir à une société où l’Etat, qui ne peut tolérer le moindre risque et dont les moyens financiers diminuent sans cesse, se base de plus en plus sur des sociétés technologiques pour le maîtriser.

– Prenons le service Google Flu Trends, qui permet de détecter les débuts d’épidémies de grippe. Ne pourrait-on pas imaginer que les autorités se servent de ces données pour améliorer leurs politiques?

– Oui mais le danger est que l’Etat devienne beaucoup trop dépendant de sociétés privées pour déceler des maladies ou des comportements criminels. Du coup, au final, la question suivante pourrait se poser: pourquoi a-t-on encore besoin de l’Etat? Ne voulons-nous pas plutôt confier toutes nos données à des firmes high-tech qui les analysent, nous connaissent par cœur, nous ciblent avec de la publicité personnalisée et prennent des décisions à notre place? Et se pose aussi la question du chiffrement de nos données. Google ne les code pas et les diffuse telles quelles pour qu’elles soient utilisables à des fins marketing, ce qui n’est pas acceptable. Il faut que nos données soient protégées et qu’elles soient aussi découplées de la publicité.